En mars 2025, l’Autorité fédérale allemande de supervision financière (BaFin) a annoncé un assouplissement temporaire des exigences en matière de fonds propres pour les prêts hypothécaires. Cette décision vise à relancer un marché immobilier allemand en difficulté, frappé par la hausse des taux d’intérêt, la baisse de l’accessibilité à la propriété et le ralentissement de la construction.
Cette mesure devrait alléger la pression financière sur les ménages allemands, tout en stimulant l’octroi de nouveaux prêts immobiliers dans un contexte marqué par l’incertitude économique et l’inflation persistante.
Ce qui change : réduction du coussin contracyclique
BaFin a abaissé le taux du coussin de fonds propres contracyclique applicable aux crédits immobiliers résidentiels, le faisant passer de 0,75 % à 0,25 %. Cette décision permet aux banques de libérer une partie de leurs réserves, représentant un potentiel estimé entre 18 et 20 milliards d’euros.
Ces fonds libérés pourront être redéployés pour financer de nouveaux prêts, restructurer les portefeuilles hypothécaires existants, ou proposer des conditions de crédit plus favorables aux emprunteurs.
BaFin a précisé que cette mesure est temporaire et fera l’objet d’un réexamen au premier trimestre 2026.
Pourquoi cette mesure ?
En 2024, le marché hypothécaire allemand a connu un net ralentissement. Selon les données de la Deutsche Bundesbank :
- Le volume de nouveaux prêts immobiliers a chuté de 15,6 % en un an
- Le nombre de transactions immobilières a baissé, notamment dans les grandes villes
- Les mensualités ont grimpé de plus de €300 en moyenne, en raison de la hausse des taux
Début 2025, les taux fixes sur 10 ans dépassaient souvent 4,2–4,5 %, tandis que les prix de l’immobilier restaient élevés :
| Ville | Prix moyen au m² (2025) |
|---|---|
| Munich | €7 400 |
| Francfort | €6 100 |
| Hambourg | €5 300 |
| Berlin | €4 800 |
| Leipzig | €3 600 |
La mesure de BaFin intervient alors que peu d’autres dispositifs d’aide publique ont été mis en œuvre à l’échelle fédérale.
Réactions du secteur bancaire
Les grandes banques allemandes — dont Deutsche Bank, Commerzbank, DZ Bank et les caisses d’épargne régionales — ont salué l’initiative.
Plusieurs établissements ont rapidement ajusté leurs offres. De nouveaux prêts hypothécaires à taux fixe entre 3,3 % et 3,6 % sur 10 ans sont désormais disponibles, contre 4,0–4,5 % quelques mois auparavant.
Certaines banques proposent en complément :
- Des crédits à 95 % de quotité de financement (LTV)
- Des périodes différées de remboursement allant jusqu’à 12 mois
- Des échéanciers adaptés à la capacité de remboursement réelle du ménage
Ces innovations visent en particulier les primo-accédants et les jeunes ménages à revenus moyens.
Soutenir les jeunes ménages
BaFin cherche à favoriser l’accès à la propriété pour les jeunes foyers et les premiers acheteurs. Jusqu’à présent, deux obstacles majeurs freinaient cette catégorie :
- L’impossibilité de réunir un apport initial conséquent (souvent 20 à 30 % du prix)
- Des critères d’éligibilité stricts, notamment pour les indépendants
Grâce à la réduction des exigences en capital, certaines banques peuvent désormais accorder des prêts couvrant jusqu’à 95 % de la valeur du bien.
Parallèlement, plusieurs Länder — comme la Rhénanie-du-Nord-Westphalie — proposent des subventions à hauteur de €10 000 pour l’achat d’un premier logement par des familles avec enfants.
Risques et critiques
Si la mesure est bien accueillie, des experts expriment des inquiétudes. L’institut ifo estime que le taux d’endettement des ménages pourrait atteindre 47 % de leur revenu net, dépassant les niveaux pré-pandémiques.
Des économistes redoutent un relâchement excessif du crédit, qui pourrait mener à une nouvelle bulle immobilière, voire fragiliser le secteur bancaire à moyen terme.
Il est également souligné que l’assouplissement réglementaire ne règle pas la pénurie de logements abordables, notamment dans les grandes métropoles.
Réaction du secteur de la construction
En 2024, le secteur du bâtiment a enregistré une baisse de 17 % des mises en chantier. Le coût du crédit, la rareté du foncier et les contraintes réglementaires avaient paralysé de nombreux projets.
Depuis l’annonce de BaFin, les promoteurs signalent un regain d’intérêt pour les logements neufs. Les projets relancés concernent principalement les zones périphériques et les résidences certifiées à haute performance énergétique.
Dynamique régionale
L’impact de la mesure devrait varier selon les régions :
- Munich et Francfort : la demande repart, notamment pour les biens à moins de €600 000
- Berlin : les quartiers périphériques comme Marzahn, Spandau ou Lichtenberg attirent les jeunes acheteurs
- Rhénanie-du-Nord-Westphalie : les villes secondaires comme Dortmund ou Bielefeld offrent de bonnes perspectives
- Saxe (Leipzig, Dresde) : fort potentiel locatif et prix plus accessibles
Enjeux climatiques et logements durables
L’assouplissement réglementaire pourrait aussi servir la transition écologique. Les bâtiments anciens représentent une part importante des émissions de CO₂ du pays. Financer plus facilement des logements neufs à haute efficacité énergétique peut aider à atteindre les objectifs climatiques de l’Allemagne.
Les promoteurs valorisent désormais les logements certifiés KfW-Effizienzhaus 40+, avec des prix variant entre €430 000 et €520 000 en périphérie.
Ces biens peuvent bénéficier de prêts verts et d’assurances à taux réduits, ce qui les rend plus attractifs malgré leur coût initial.
Conclusion
En facilitant l’accès au crédit immobilier, BaFin répond à une urgence sociale et économique. Cette mesure temporaire pourrait jouer un rôle déterminant dans la relance du marché résidentiel allemand, à condition d’être accompagnée d’autres réformes structurelles.
Il faudra toutefois surveiller de près les effets secondaires : risque de surendettement, tensions sur les prix et fragilisation potentielle des banques.
À court terme, cette politique offre un répit bienvenu aux ménages allemands en quête de logement et redonne de l’élan à un marché qui avait perdu son souffle.
